La guerre des paysans et la Réforme à Entzheim

Au XVIème siècle, le village a connu une succession d’évènements historiques marquants dont certaines conséquences sont toujours d’actualité.

 

La guerre des Paysans (Bauerkrieg)

 

De 1512 à 1526, de graves révoltes paysannes agitent à nouveau le Saint-Empire romain germanique. Les revendications sont tant sociales que religieuses, s’inspirant de la Réforme protestante. Dans la plupart des villages, les conjurés trouvent des « compagnons » reconnaissables à des marques particulières alors gardées secrètes. En fait, leur emblème est le Bundschuh (soulier à lacets) par opposition aux bottes que portent les chevaliers.

En 1513, Entzheim est déjà considéré comme un lieu d’agitation. Deux « compagnons », Jean Fuger et Simon Lorentz, figurent sur la liste de fauteurs de troubles du diocèse. Les sources ne précisent pas les conséquences de leur action politique.

 

En Alsace, six bandes armées et structurées de paysans se sont formées progressivement dans le but initial de s’opposer à l’ordre établi représenté par l’église catholique et les nobles qui exploitent le petit peuple. Leurs revendications politiques et religieuses sont transcrites dans le « manifeste des XII Articles ». Ils s’attaquent d’abord aux églises catholiques puis aux protestantes naissantes, allant jusqu’à détruire les symboles extérieurs de la religion comme les vitraux et les orgues. L’insurrection explose presque simultanément dans toute la province.

 

Le lundi de Pâques 17 avril 1525, le village et l’abbaye d’Altorf sont ravagés par 400 « rustauds » de la « bande d’Altorf » sous la conduite d’Erasme Gerber de Molsheim et de Georg Ittel de Rosheim. Ils prennent l’abbé Kilian en otage et forment un tribunal pour juger les moines et leur supérieur. La ville de Strasbourg, bien qu’acquise à la Réforme mais ayant des possessions dans de nombreux villages aux alentours, envoie négocier ses prédicateurs les plus connus : Martin Bucer, Mathieu Zell et Wolfgang Capiton. Ils seront soumis à toutes les outrances sans arriver à libérer les moines.

Au retour, ils s’arrêtent à Entzheim le 30 avril 1525 et décident de retourner à Altorf pour tenter une ultime négociation. Même l’influent Martin Bucer n’arrive pas à ramener les insurgés à la raison. Et l’abbé Kilian reste aux mains des Paysans.

En mai 1525, inquiets de son extension rapide, le Duc Antoine de Lorraine et son frère Claude de Guise, répriment durement l’insurrection, d’abord à Saverne puis à Scherwiller causant 18000 morts du côté des insurgés. Les familles des paysans reconnues nommément doivent rembourser leurs « victimes ». Les communes qui ont participé au soulèvement sont lourdement taxées.

Après des débuts victorieux, le mouvement s’achève en tragédie.

En 1532, les dégâts causés au couvent d’Altorf n’étant pas réparés, l’abbé Kilian dépose plainte pour participation au pillage contre les bourgades ayant soutenu les insurgés. Il estime le préjudice à 30 000 Gulden (Florins d’Empire). 

Mais, il faut attendre 1543 pour que le jugement du tribunal impérial de Spire intervienne condamnant entre autres les habitants d’Entzheim, ce qui confirme que des paysans avaient rejoint les insurgés.

En fait, il leur était difficile de faire autrement devant la menace de représailles et de destruction de biens en cas de refus.

 

La paroisse avant la Réforme

 

L’Alsace conservait ses nombreuses seigneuries ecclésiastiques et laïques qui s’étaient constituées au Moyen Age. On ne peut déterminer la date où Entzheim est devenue une paroisse indépendante (Gemeinde).

  •  Lorsqu’en 1297, les Zorn ont reçu en fief le village d’Entzheim, le droit de possession paroissiale leur est revenu en même temps. Ils ont pu conserver le privilège de nommer les pasteurs jusqu’à l’abolition des droits féodaux au début de la Révolution (4 août 1789).
  • Les prêtres n’habitaient pas le village où ils exerçaient leur ministère. Ils s’y rendaient à cheval pour les offices d’où l’appellation de « Reitpriester » (prêtre à cheval).





Les débuts de la Réforme

 

Sous l’impulsion de Martin Luther (1483-1546), la Réforme protestante se répand rapidement dans l’Empire. Strasbourg en devient un des principaux bastions sous l’action d’un ancien dominicain : Martin Bucer (1491-1551). Dès 1529, les échevins votent la suppression de la messe catholique. Par la suite, la majorité des seigneurs du nord de l’Alsace se rallient également à la Réforme. Leur choix s’impose à tous leurs sujets selon le principe de "la religion du prince" (cujus regio ejus religio) institué par la "Paix d’Augsbourg" en 1555 et reconnaissant le protestantisme. Désormais, la prédication est devenue essentielle dans le culte.

 

En vertu du principe énoncé dans ce traité, la Réforme est introduite le jour de Pâques 1559 (26 mars) à Entzheim régi par la famille noble des Zorn de Plobsheim. Par la suite, la population y restera fidèlement attachée.

 

  • Le premier pasteur luthérien est Thomas SCHALLER, originaire d’Őlsnitz (Allemagne). Il est muté à Dorlisheim en 1562. En tout, 53 pasteurs se succèdent jusqu’en 1704. Il s’agit de séminaristes de Strasbourg ne résidant pas dans le village.

 

  • Pour pallier ces changements continus, en 1701 les 350 habitants adressent une pétition au seigneur Wolf Christoph Zorn de Plobsheim pour obtenir la sédentarisation des pasteurs. Leur demande est acceptée sous condition de levée d’un impôt pour construire un presbytère qui sera achevé en 1704.

 

  •  Johann JUNG de Strasbourg est le premier pasteur installé à Entzheim où il exerce son ministère de 1700 à 1714.

 

Les registres paroissiaux

Les baptêmes, mariages et décès y sont consignés. Le plus ancien registre paroissial d’Entzheim date de 1595. En 1792, ils sont remplacés par les registres d’état civil tenus par les communes.

 

Tous ces documents sont consultables aux Archives Départementales du Bas Rhin mais également accessibles en version numérisée sur leur site facilitant ainsi les recherches généalogiques.


Le simultaneum

En 1684, un ordre royal de Louis XIV impose aux protestants de partager les églises. C’est le "simultaneum" appliqué dans 163 églises protestantes dont 50 toujours de nos jours. A certaines conditions, il permettait aux catholiques d’utiliser la même église dès lors devenue simultanée ou mixte.

  • En ce qui concerne Entzheim, c’est depuis 1976 qu’une nouvelle forme de partage d’un bâtiment cultuel est appliquée. Il s’agit du "contrat d'hospitalité" conclu de façon œcuménique.
  • Bernard KLINGER est un poète méconnu du XVIème. Né en Alsace, on ne connait de sa vie que sa présence à Entzheim en 1520 comme prêtre. Il est l’auteur de plusieurs poésies en Allemand parmi les meilleures de l’époque.

 

 

 

Pierre FRIEDRICHS Conseiller Municipal

(avec l’aimable contribution de M. le Pasteur NOMENYO)

Entzheim Info n°27 - Décembre 2015

 


 

Parmi les ouvrages consultés : Histoire d’Entzheim de Willy Guggenbuhl 1937 – Revue « La vie en Alsace » n° 9 de 1937 –

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