La bataille d’Ensheim

 

En juillet 2010, la Commune a fait l’acquisition d’une gravure originale représentant le champ de la « bataille d’Ensheim » qui a eu lieu le 4 octobre 1674. Celle-ci est visible dans le hall d’entrée de la Mairie. L’occasion de nous plonger dans le passé de notre commune où se sont déroulés des combats sanglants.

Le contexte de l’époque

Après la terrible guerre de Trente Ans (1618 à 1648) durant laquelle le village est plusieurs fois durement éprouvé, le traité de Westphalie signé en 1648 apporte enfin la paix tant espérée entre les Allemands (dénommés « Alliés » ou «Impériaux ») et les Français. Elle est malheureusement de courte durée car le traité prévoyait implicitement l’acquisition par la France des droits de souveraineté en Alsace après plus d’un millénaire passé sous obédience germanique.

En 1672, la guerre contre les Provinces-Unies (Hollande actuelle) qui s’est déplacée sur le front du Rhin, amène les Impériaux à rompre la neutralité promise à Louis XIV qui a dès lors décidé d’envoyer le maréchal de Turenne dans notre région.

Avant la bataille

Déjà au printemps 1674, les habitants du village subissent la présence de troupes montées françaises devant subvenir à leur ravitaillement et supporter les dégâts aux biens et aux récoltes. Mais le plus dur est la levée d’un impôt de guerre exceptionnel sous forme d’un « prêt » de la commune à hauteur de 100 livres or dont le remboursement pourtant maintes fois promis n’est intervenu qu’en 1791 !

Après avoir dévasté le Palatinat, Turenne s’est mis en marche contre les Impériaux, résolu à les attaquer avant leur jonction avec les troupes de l’Electeur de Brandebourg venant en renfort. Le 1er octobre, le Magistrat de la ville libre de Strasbourg, neutre jusqu’ici, laisse traverser le pont de Kehl aux troupes alliées commandées par le duc de Bournonville à la tête de 35 000 hommes. Ils établissent leurs quartiers à hauteur du « village fortifié d’Entzheim ».

En face, arrivés de la Wantzenau au cours de la nuit et postés le long de la Bruche près d’Holtzheim, Turenne n’a que 22 000 hommes à leur opposer mais ceux ci sont galvanisés par la réputation de leur chef. Sont prêts à l’engagement : la cavalerie (escadrons de dragons), l’artillerie (32 pièces de canon) et des pelotons d’infanterie (dragons à pied et grenadiers).

Carte simplifiée du champ de bataille avec le nom des généraux (source « Batailles françaises »)

Le déroulement

L’essentiel de la bataille fait rage dans l’espace constitué actuellement de l’aéroport et du village qui est environné de haies, taillis, vignes et fossés. Les combats commencent dès l’aube et durent toute la journée sous une pluie continue.

A cet endroit, appelé parfois le « plateau d’Entzheim », limité à l’époque coté ouest par la « forêt du Bruchel » et à l’est par un petit bois, plusieurs offensives et contre offensives meurtrières, entremêlant canonnades et corps à corps, se succèdent de part et d’autre engageant au fur et à mesure les unités françaises disposées sur 3 lignes de front.

Devant la disproportion des forces, ayant néanmoins réussi à stopper l’ennemi, Turenne décide de se replier sur Saverne et Haguenau. Quant aux Impériaux, à la faveur de la nuit, ils se replient sur Illkirch. Hormis de nombreux blessés dans les deux camps, ils perdent 3000 hommes, 12 pièces d’artillerie et 30 drapeaux et étendards et les Français environ 2000 hommes. Le village, situé au cœur des combats, est entièrement ravagé.

Tactiquement, les combats particulièrement sanglants ne permettent pas de désigner clairement un vainqueur même si l’issue peut être considérée comme plutôt favorable à Turenne. En tout cas, ce n’est pas la victoire que cite Mme de Sévigné dans une lettre du 15 octobre à son cousin l’écrivain Bussy-Rabutin qui y perd un fils officier : « M. de Turenne a donc encore battu les ennemis…et demeuré maître du champ de bataille ».

Prolongements

Ce que Turenne redoutait le plus est arrivé : l’Electeur de Brandebourg, Frédéric Guillaume 1er, franchit à son tour le Rhin le 14 octobre à la tête de 20 000 hommes supplémentaires avec cependant un point faible : les Alliés n’ont pas de véritable unité de commandement. Aussitôt après cette jonction, les Impériaux reprennent leur camp d’Entzheim pour y passer l’hiver.

La bataille suivante menée par Turenne a lieu le 5 janvier 1675 à Turckheim (Haut Rhin). Il prend l’adversaire par surprise qui est alors contraint de battre en retraite et de repasser le Rhin. La campagne de 1675 se déroule entièrement en Allemagne. Le 27 juillet de la même année, un boulet touche Turenne en plein cœur lors de la bataille de Sasbach (Pays de Bade) remportée par son armée.

C’est peu avant cet ultime combat que s’adressant à sa jument Carcasse, il lui aurait dit le mot légendaire : « Tu trembles Carcasse ? Si tu savais où tu vas, tu tremblerais bien davantage ».

Médaille avec inscription en latin « 3ème victoire contre les Germains en l’année 1674 »

En souvenir de cette bataille qui a conféré une certaine renommée à notre village, Louis XIV a fait frapper une médaille à son effigie.

Précédant le roi, les troupes royales commandées par Montclar et Louvois font leur entrée à Strasbourg le 28 septembre 1681 marquant à son tour l’annexion à la France et la fin provisoire des combats en Alsace qui restera française jusqu’en 1870.

 

 

Pierre Friedrichs  Conseiller municipal

Entzheim Info n°22 - Décembre 2010

{Principales sources : Mémoires pour servir à l’Histoire de France de Napoléon 1er 1823, Histoire d’Entzheim de Willy Guggenbuhl 1937 ; Journal de l’Alsace de Bernard Vogler 2004}

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