Un siècle de guerre et de malheurs à Entzheim

Dans le passé, notre commune a connu bien des vicissitudes mais le XVIIème siècle a été particulièrement éprouvant pour les habitants. Outre les affres des guerres, plusieurs épidémies de peste ont ravagé la population. En ces temps de crise sanitaire, on ne peut qu’être frappé de découvrir comment les habitants de l’époque ont fait face à ces épreuves.

 

Déjà le siècle précédent avait connu son lot de conflits : révolte des paysans en 1525 (cf. bulletin municipal n° 27), incessants brigandages à main armée (Diebeskrieg ou guerre des maraudeurs), guerre des Evêques et multiples oppositions religieuses ont débouché sur la guerre de 30 ans qui a touché presque toute l’Europe.  

La guerre des Evêques (1592 – 1593)

Après la mort de l’évêque protestant Jean de Manderscheid, l’affrontement grandissant entre chanoines catholiques et protestants, uniques électeurs siégeant au Grand Chapitre de la cathédrale de Strasbourg, a entraîné de sanglantes confrontations armées aux environs de la ville.

« Le 16 août 1592, une colonne strasbourgeoise de 24 charrettes de ravitaillement escortées par 30 cavaliers et 100 hommes à pied a été attaquée à l’improviste entre Entzheim et Duppigheim par les troupes du cardinal Charles de Lorraine investi évêque de Strasbourg. Supérieurs en nombre, armes et munitions leur furent enlevées et les charrettes brûlées dans les champs ». Le cardinal décida de laisser la vie sauve aux prisonniers.

Le 10 septembre 1592, au prix de quelques tués, ce fut au tour des Strasbourgeois de faire prisonniers une centaine de Lorrains entre Duppigheim et Blaesheim.

Après une paix provisoire, ce n’est qu’en 1604 par le traité de Haguenau, que ce conflit a réellement pris fin en tournant à l’avantage des catholiques qui seuls pouvaient désormais être chanoines du Grand Chapitre.

 

La guerre de Trente Ans (1618 – 1648)

La guerre de Trente Ans a pour origine la « défénestration de Prague » qui a lieu le 23 mai 1618 à la suite de querelles entre protestants et catholiques. Elle se propagea à une grande partie de l’Europe et donc à l’Alsace qui faisait partie du Saint-Empire germanique. Plusieurs fois, les habitants d’Entzheim ont subi la présence de militaires indisciplinés réclamant des contributions de guerre.

                            La période de Mansfeld (1620- 1622)

En soutien aux princes protestants, une armée de mercenaires a fait régner la terreur avant tout à l’encontre des catholiques de la région restés fidèles à l’empereur du Saint-Empire.  Commandé par « l’Attila allemand », le redoutable comte Ernst de Mansfeld, déferla sur la région dans les derniers mois de 1621.

L’absence d’enregistrement d’actes dans nos registres paroissiaux de cette période montre qu’aucun culte n’a été tenu en raison de la grande insécurité qui régnait. Quelques cérémonies avec le pasteur séminariste Pistorius ont cependant pu avoir lieu en l’église Saint Gall à Strasbourg où les habitants s’étaient réfugiés.

Les Zorn, seigneurs d’Entzheim, ont négocié une garantie écrite avec Mansfeld qui promettait d’épargner le lieu concerné. Cinquante-trois de ces sauvegardes ont été accordées par ce dernier à Steinbourg le 7 janvier 1622. Mais très peu de temps après la signature des « Salvaguardien », certains villages ont été pillés et incendiés. Ce fut le cas d’Entzheim le 2 juin 1622. Il est rapporté que de Strasbourg, on pouvait apercevoir seize villages en feu en même temps.

En raison des graves exactions commises partout sur son passage, Mansfeld finit par tomber en disgrâce. Enfin la population a pu souffler et les cultes ont pu reprendre comme en attestent les registres paroissiaux de l’époque.

 

 

Les années 1623 à 1648

Entrecoupées par des périodes plus calmes, les malheurs se succèdent. En 1627, une vague d’épidémie de peste fait 46 victimes et le 16 novembre 1642 un puissant tremblement de terre secoue Strasbourg et ses environs. Mais la période la plus terrible commence en 1632 avec l’intervention suédoise répondant à l’appel du camp protestant devenu aussi allié des Français. Les différentes armées en présence (Impériaux, Lorrains, Suédois et à leur départ les Français) ainsi que des hordes de brigands se sont livrés aux habituels pillages et destructions. A plusieurs reprises, le Dorfgraben, grand fossé qui entourait Entzheim, alimenté par le tracé d’origine du bras d’Altorf, a protégé les habitants. Mais quelquefois, la population a dû trouver refuge derrière les murailles strasbourgeoises.

On tremblait devant les Suédois, des mercenaires pour la plupart. A l’annonce de leur arrivée, les paysans fuyaient au cri « Der Schwedt kommt » (le Suédois arrive) terrifiés par le « supplice suédois » ou Schwedentrunk, consistant en l’ingestion forcée de purin jusqu’à l’étouffement. A partir de 1642, les habitants d’Entzheim ont été assujettis au « dixième suédois » ainsi qu’à la « dime lorraine ».

Beaucoup de communes ont été entièrement ravagées. Certains livres anciens relatent que près d’Entzheim, se trouvait le village de Nieder-Andolsheim abandonné puis détruit durant cette guerre. Seuls les restes d’un puits à l’endroit dit « Hofstätt » auraient subsisté à l’époque. Peu d’informations ont pu être retrouvées mais les habitants se seraient réfugiés pour la plupart à Geispolsheim.



  Enfin la paix revient…

En 1648, les traités de Westphalie mettent fin à cette guerre interminable. Une grande partie de l’Alsace dévastée revient à la couronne de France et voit l’arrivée des troupes de Louis XIV (Strasbourg restera « ville libre impériale » jusqu’en 1681). Ces traités ont maintenu les droits spécifiques des Alsaciens notamment en matière religieuse ce qui a permis aux protestants d’échapper à la révocation de l’édit de Nantes en 1685.

Le lourd bilan humain a été aggravé par des vagues successives de peste, les famines et les hivers très rigoureux du « petit âge glaciaire ». Mais par chance, Entzheim n’a pas subi de destruction totale ni connu l’émigration de ses anciennes familles bien installées.

Avec le retour de la paix, grâce au respect des usages et à une grande autonomie concédée par le roi, les villes et villages ont pu se reconstruire et se repeupler avec l’installation de Suisses et autres Italiens.



La « bataille d’Ensheim »

Au cours de la guerre de Hollande déclenchée par Louis XIV, à l’emplacement de l’aéroport, a été livrée le 4 octobre 1674 une bataille meurtrière entre les Français du maréchal de Turenne et les Impériaux allemands aux ordres de Bournonville. Ces derniers, quoique supérieurs en nombre, n’ont pas pris l’avantage et l’issue de la bataille est restée indécise. Les troupes françaises étaient positionnées devant Holtzheim et les lignes impériales étaient disposées à la hauteur du village. De chaque côté, les pertes furent très importantes : environ 6500 hommes en tout. Le village ne fut plus qu’un amas de ruines à l’exception du château des seigneurs Zorn de Plobsheim surnommé le « Junkerhaus » par les villageois. Une fois de plus, les habitants ont été contraints de se réfugier à Strasbourg et à Ostwald avec leurs biens restants.

Turenne s’attribua néanmoins la victoire mais en public, il évoquait plutôt une bataille qui a néanmoins permis d’arrêter les ennemis. Louis XIV félicita Turenne en personne et en souvenir a fait frapper une médaille commémorative (cf. récit de la bataille dans le bulletin municipal n° 22).

Les vestiges de ce passé lointain sont devenus rares. Toutefois, en 2021, la restauration de l’extérieur de la maison de la Cour Saint-Denis datée de 1688, propriété de la Commune d’Entzheim associée à la Fondation du Patrimoine, a permis de saisir la réalité de l’habitat de l’époque.

 

Pierre Friedrichs - Conseiller Municipal


. Parmi les ouvrages consultés : Histoire d’Entzheim de Willy Guggenbuhl 1937 – Der 30-jähriger Krieg im Elsass de J.B. Ellerbach  1912 – Batailles françaises de Hardy de Périni - Journal de l’Alsace de Bernard Vogler – Cette histoire qui a fait l’Alsace tome 7 de Marie-Thérèse Fischer – Chroniques de Strasbourg de Guy Trendel.

. Tous les articles historiques parus sont disponibles sur le site officiel entzheim.fr sous les onglets Bienvenue / Le village / Histoire