Coutumes et traditions populaires

Cette année, je vous propose de découvrir la vie d’autrefois à Entzheim à travers ses coutumes et traditions dont la plupart sont tombées dans l’oubli mais qui ont pourtant rythmé les saisons des habitants pendant des siècles. Purement festives ou religieuses, seules quelques-unes sont évoquées.

 

Les chambres à filer (Kunkelstube)

 

Les soirs d’hiver, les femmes et les jeunes filles se rassemblaient presque tous les jours dans la chambre à filer (ou chambre à quenouille). On y tournait le rouet en chantant et en plaisantant.

 

Après la guerre de 1870, ces rencontres ont peu à peu disparu. Avec le développement de techniques permettant de fabriquer des produits manufacturés plus variés, les femmes et filles de cultivateurs étaient devenues de moins en moins réceptives à la seule solidité des tissus qu’elles filaient.

 

Cette coutume était parfois mal vue : A partir de 1755, une ordonnance seigneuriale a prévu une amende de trois guldens car « lors de telles rencontres, toutes sortes de paroles exubérantes et de pratiques honteuses avaient cours ». Ce jugement n’a que peu effrayé les fileuses car il a souvent dû être rappelé.

 

Dans son compte-rendu de l’année 1808, le pasteur Küss a écrit : « Les chambres de filage sont dépravantes dans la manière dont entre 8 et 9 heures les fileuses capricieuses vont dans la rue avec les jeunes hommes. Ces dernières passaient ensuite leur temps dans la chambre à filer entre 9 et 10 heures. Il était impossible de se défaire de ces réunions. Mais j’ai tenté de limiter le scandale dans la rue en faisant croire aux filles que si je les voyais ou qu’elles étaient dénoncées alors elles devaient aller méditer à l’école. J’ai cependant réussi à obtenir depuis 2 ans, non sans opposition des parents, que les écolières non confirmées n’aillent plus dans les chambres à filer ».


Chambres à filer

 

Feu de joie (Freudenfeuer)

 

Pour les jeunes du village, le 15 août, jour de la saint Napoléon*, était l’occasion de faire la fête devant un grand feu de joie au milieu de la place communale. Pour cela, ils rassemblaient des fagots de sarments de vigne, du bois, de la paille et des fanes de haricots. L’immense feu allumé, on apportait des bottes de paille attachées à une longue corde qu’on enflammait également. Puis, on courrait dans tous les sens jusqu’à ce que les bottes soient consumées.

 

Pour ne pas mettre en alerte les pompiers, les anciens finirent par demander que le feu de joie, qui n’était plus que l’affaire des écoliers lors du 14 juillet, soit allumé sur un pâturage éloigné du village.

 

* Jour de la naissance de Napoléon et fête nationale sous le 1er Empire entre 1806 et 1813.

 

Le dimanche des beignets (Küchelsonntag)

 

Le 5ème dimanche après l’Epiphanie avait lieu le « carnaval des paysans » (Bauernfastnacht). La semaine précédente, une grande quantité de farine était utilisée pour fabriquer les beignets de carnaval. Il était de coutume de se déguiser et de rendre visite au Maire qui faisait goûter son vin.

 

Avec un grand panier, les épouses de bergers allaient de maison en maison pour récolter des beignets de carnaval mais le soir venu elles ne retrouvaient pas toujours facilement leur chemin.

 

Le dimanche soir, c’était au tour des valets de ferme et des jeunes garçons d’aller de cour en cour en chantant pour demander des beignets :

 

« Violette, rose, fleurette, nous chantons pour les beignets, les gâteaux sont cuits.

 

Nous entendons les poêles craquer : des beignets, des beignets ou nous défonçons la maison ».

 

La soirée se terminait toujours à l’auberge où les beignets étaient partagés entre les participants.

 

Les lettres de baptême (Goettelbrief)

 

Cette coutume essentiellement protestante consistait à rédiger un document que le parrain ou la marraine offrait à son filleul lors de la cérémonie du baptême. Limité au Bas Rhin, son usage commence à la fin du 17ème siècle pour se terminer au début du 20ème. Richement présentée, la partie documentaire avec le nom de l’enfant et des parrains est complétée par un court texte religieux ou un verset biblique. Le baptisé conservait ce document toute sa vie.

 

ƒ Le plus ancien Goettelbrief retrouvé à Entzheim a été offert « de tout cœur par sa fidèle marraine Catherine Rheining à son filleul » lors du baptême en l’église paroissiale le 9 Ventôse de l’an IV (8 mars 1796).

 

Lettre de bapteme


Les conscrits

 

La conscription (Musterung) ou service militaire obligatoire a été instituée en 1798. A l’origine, tous les hommes de 20 à 25 ans devaient effectuer un service militaire de 5 ans. Avant 1870, chaque appelé tirait un numéro qui pouvait le dispenser des obligations militaires (2 fois sur 3 et possibilité d’« acheter » un remplaçant). Pour le canton, le conseil de révision se tenait à Geispolsheim chargé de recruter 60 soldats chaque année.

 

La fête des conscrits était un véritable rituel « qui faisait des garçons de vrais hommes ». Ils étaient reconnaissables à leur costume qui au fil du temps devint de plus en plus riche : tissus écossais, rubans colorés, l’incontournable chapeau fleuri dès les années 20 et le drapeau tricolore brodé du nom de la classe.

 

Chaque classe d’âge était accompagnée du Masstibar (ours du Messti) chargé de faire le pitre. Il était reconnaissable à sa canne ciselée et souvent aussi à son Teifelsgei (violon du diable). Les conscrits quémandaient des œufs chez les habitants dans l’espoir de payer les « ardoises » qu’ils laissaient dans les auberges. Un gâteau était traditionnellement offert au Maire qui à son tour offrait boissons et nourriture aux conscrits. Cette journée festive se terminait dans la joie autour d’un grand repas.

Les conscrits

 

La fête du village (Messti)

 

Comme tous les villages d’Alsace, Entzheim connaît une grande fête annuelle : le Messti qui a lieu tous les 2ème dimanche d’août et donne lieu à de grandes réjouissances.

 

En usage depuis 1313, le mot Messti provient de Messtag « le jour dédié à la fête du saint-patron des églises ». Très attendue, les occasions de danser étant rares, la fête patronale réunissait les villageois dans une ambiance joyeuse et populaire. Des bals et des spectacles étaient organisés dans les rues et dans les auberges où jouaient de petits orchestres de paysans. Une fête foraine avait lieu comme aujourd’hui.

 

Cet évènement qui ne cessa d’évoluer devint le jour en l’honneur des jeunes de la classe d'âge qui allaient être incorporés : les Messtiburschen. Ils en étaient devenus les principaux animateurs.

 

La plupart des traditions populaires d’Entzheim sont tombées peu à peu dans l’oubli. Cependant, le Messti, avec la distribution du traditionnel pain d’épices par la société de musique La Concorde, rencontre toujours un franc succès.

 

 

 

Pierre Friedrichs, Conseiller Municipal

 


 

. Parmi les ouvrages consultés : Histoire d’Entzheim de Willy Guggenbuhl 1937 – Revue « La vie en Alsace » n° 11 1936 - Costumes et coutumes d’Alsace de Anselme Laugel 1902.

 

. Avec l’aimable collaboration de Georges Christmann pour la traduction des textes en écriture gothique manuscrite et « Mémoire

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