Entzheim et les avions : Une histoire commune presque centenaire

Si notre village est bien connu en Alsace et même ailleurs, il le doit en grande partie à l’aéroport dont l’origine remonte à 1923. Cependant, peu connaissent sa véritable histoire : les débuts, les grandes étapes de son développement toujours d’actualité et les évènements particulièrement marquants.

 

Les débuts

Après la guerre 14-18, le terrain du Polygone à Strasbourg Neudorf (où l’écrivain Antoine de Saint Exupéry a appris à piloter pendant son service militaire) dont la vocation était avant tout militaire ne permettait pas de répondre au développement des vols civils. Dès le début des années 1920, il a donc fallu trouver un grand terrain plat et dégagé à proximité de Strasbourg. Le choix s’est porté sur des champs appartenant pour l’essentiel aux Hospices Civils de Strasbourg situés sur le ban de la commune d’Entzheim. Lors de sa mise en exploitation en février 1923, l’aérodrome d’Entzheim n’était qu’une bande d’envol gazonnée sous forme d’un quadrilatère mesurant 900 mètres sur 750.

   

Avion de la compagnie Air France en 1933


Sur cet aérodrome, exploité principalement par les avions de la Compagnie FRANCO-ROUMAINE, le nombre de vols était restreint. Dès 1925, les vols de nuit sont devenus possibles et le terrain, dont la surface est portée à 53 hectares, a été équipé d’une station météorologique et d’un poste de T.S.F.

En 1931, le trafic international atteint 1186 passagers et 6 millions de lettres postales. L’emprise a été portée à 85 hectares avec une piste de 950 mètres sur 900 et quatre hangars ont été construits.

Fondée en 1933, la Compagnie AIR FRANCE a repris l’exploitation de trois lignes : Hollande-Suisse, France-Pologne et France-Turquie.

Le trafic étant en continuelle augmentation, le Maire d’Entzheim de l’époque, Jacques KIEFFER, a fini par se déclarer opposé à cet aéroport en apportant son soutien aux paysans qui cultivent les champs proches. Ceux ci invoquent d’importantes pertes  de revenus en cas de nouveaux agrandissements.


1939-45

Les activités internationale et postale se poursuivent jusqu’en 1939. L’aérodrome qui continue de s’agrandir (120 hectares) est équipé d’une aérogare et de nouveaux hangars. Par mesure de sécurité, tous les vols  doivent être suspendus un peu avant que la guerre éclate en août 1939.

Jusqu’en 1943, l’aérodrome n’a pas plus aucune activité alors qu’au Polygone une école de la Luftwaffe forme des pilotes des STUKA JU 87. Cependant, pour faire face aux avions alliés de plus en plus nombreux, les Allemands ont réactivé l’aéroport pour l’utiliser comme point de transit. A cette fin, ils l’agrandissent vers Lingolsheim et construisent deux pistes de circulation. Les bombardiers alliés ont attaqué la base allemande d’Entzheim à plusieurs reprises.

  • Durant la guerre, des prisonniers du camp de redressement de Schirmeck sont affectés par les nazis à des travaux sur le site d’aviation. Les forçats empruntaient un train spécial qui arrivait sur place chaque matin vers 7 heures - même le dimanche - et repartait vers 20 heures.
  • Il existait également un « camp de transit » (Frontstalag) où les prisonniers de guerre étaient regroupés pendant quelques jours avant de partir vers des camps en Allemagne.
  • Au printemps 1944, une formation d’une centaine de planeurs est stationnée. C’est d’ici que décolle le 21 juillet 1944 une quarantaine de planeurs DFS 230 remorqués par des DORNIER avec à bord 500 soldats S.S. à destination du massif du Vercors dont le maquis à connu une fin tragique.

Après la libération de Strasbourg et de ses environs par la 2ème D.B. du Général Leclerc en novembre 1944,  l’aéroport va continuer à servir de terrain de transit pour les armées alliées essentiellement américaines. Différentes unités de l’aviation de chasse française y stationnent à coté du groupe US équipé de chasseurs P-47 THUNDERBOLT. Les Américains allongent la piste à 1525 mètres en installant de grandes plaques métalliques. Dès lors, de nombreuses missions ont pu être lancées au-dessus de l’Allemagne.


L’après guerre

Après le départ des Américains, l’aéroport redevient civil en 1946 et son exploitation est confiée à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg (CCI) qui est toujours partie prenante actuellement.

En raison de la guerre froide Est-Ouest, de nouvelles bases aériennes sont nécessaires. Le site d’Entzheim ayant été retenu, les travaux de transformation commencent en 1950 pour s’achever en 1952. La nouvelle piste en béton atteint 2400 mètres. A cette fin, une gravière sera exploitée dans l’enceinte du terrain.

En 1953, l’aviation civile se développe avec des vols d’Air France et de la Sabena. Puis, d’autres travaux de modernisation s’avèrent nécessaires : reconstruction de l’aérogare et nouvelle tour de contrôle en 1957 servant à la fois aux militaires et aux civils. Le 5 novembre 1959, la « Base Aérienne d’Opérations » (B.A.0.124) est officiellement créée et la 33ème Escadre de reconnaissance s’installe à Entzheim dénommée “B.A. 124.

Insigne BA 124

 

 

 


 

 

 

 

 

Durant cette période, les liaisons commerciales, l’aéropostale et le fret se développent fortement. En 1963, le terrain est classé « aéroport international ouvert ».

 

La période récente

Après l’annonce de la dissolution de la base aérienne 124 en avril 1992, la fermeture et le déplacement des services et des équipements sont effectifs en septembre 1994. L’aéroport redevient uniquement civil et les contrôleurs aériens de la DGAC prennent le relais des militaires.

En 1996, le projet d’installation d’une plate forme de correspondance par DHL, opérateur de fret express, suscite l’opposition des riverains qui constituent une association de défense (UFNASE). A la suite de manifestations très suivies, le projet est abandonné et de nouvelles contraintes environnementales ayant fait l’objet en 1998 d’un « protocole d’accord » s’imposent à l’aéroport : limitation du trafic nocturne, création de commissions spécialisées…

En mai 2011, est attribué le statut de « société d’exploitation aéroportuaire » (SEA) dans laquelle l’Etat est majoritaire. L’objectif est d’augmenter les recettes qui avaient fortement chuté notamment en raison de la concurrence du TGV-Est à partir de juin 2007.

Depuis lors, grâce au développement des trafics charter et low-cost proposant des destinations directes  de plus en plus nombreuses assurées par 17 compagnies, le nombre de passagers est en progression depuis les trois dernières années. En 2013, 1. 18 millions de passagers sont enregistrés.

Bien visible du village, la nouvelle tour de contrôle de 33 mètres de haut, livrée en mars 2014, sera pleinement opérationnelle en 2016.

Située à proximité et accessible directement à pied, la récente gare multimodale d’Entzheim-Aéroport permet aux passagers de profiter de la desserte cadencée des TER de la SNCF.

Grâce à la vocation européenne de Strasbourg, les maires successifs d’Entzheim - privilège lié aux règles du protocole – ont l’honneur d’accueillir les grands de ce monde : tous les Présidents de la République, le pape…

Avec environ 1200 emplois, occupant une surface de 285 hectares sur les 834 du ban communal,  malgré cinq autres installations aéroportuaires dans les alentours, l’aéroport international de Strasbourg Entzheim constitue un atout majeur tant pour la capitale européenne que pour la région.

 

  •  C’est aussi sur le site de l’aéroport qu’a eu lieu le 4 octobre 1674 la sanglante « bataille d’Ensheim ». Elle vit s’affronter les armées des Impériaux allemands aux soldats du Maréchal de Turenne envoyés par le roi Louis XIV. Bien que l’issue de cette bataille fût indécise, le rattachement de l’Alsace au royaume de France par les traités de Westphalie en 1648 a cependant été confirmé (cf. article dans bulletin municipal n°22/2010).

 

Pierre FRIEDRICHS  Conseiller Municipal

Entzheim Info n°26 -Décembre 2014


Parmi les ouvrages consultés : Histoire d’Entzheim de Willy Guggenbuhl 1937 – Revue « La vie en Alsace » n° 9 - Histoire de la BA 124 - Archives municipales et départementales.

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