A LA DECOUVERTE DU BRAS D’ALTORF

Eloignée du village, la zone autour du cours d’eau est certainement un des endroits les plus méconnus du ban communal. Faisant partie du Ried de la Bruche, cet îlot de verdure et ses alentours proches méritent pourtant le détour. Quelques points historiques s’y rattachent.

 

Situation

 

Parallèlement à la Bruche, serpente le « Bras d’Altorf » (Altorfarm) d’une longueur d’environ 13 km, autrefois surnommé « vieille Bruche ». Ce petit cours d’eau, appelé aussi « petite Bruche » se sépare de la Bruche en aval de Molsheim pour traverser les communes de Dorlisheim, Altorf, Duttlenheim, Duppigheim et Entzheim où le bras retrouve la Bruche du côté d’Hangenbieten. 

Au milieu du 18ème siècle, la construction d’un reversoir (barrage pour réguler l’eau) à l’endroit où le bras d’Altorf se sépare de la Bruche et l’abandon d’anciens chenaux ont permis de réguler cette dérivation de la Bruche réalisée notamment pour limiter les inondations en aval de Molsheim.

 

Les riverains du bras utilisaient ses eaux pour l’arrosage des prairies et l’abreuvage des bestiaux. En cas de crue, le bras pouvait aussi servir de décharge des eaux pour soulager la Bruche.

 

Le « lac » d’Entzheim et le Speckgraben

 

Communément appelé « lac » dans les archives, cet étang artificiel très poissonneux a été aménagé vers 1770. Autrefois appelé « d’Lehmelöcher » (trous d’argile), il est alimenté par le Bras d’Altorf au moyen d’un fossé d’irrigation permettant de renouveler ses eaux. Il avait une grande utilité puisqu’il servait de réserve d’eau en cas d’incendie. Depuis lors, il a été aménagé et embelli jusqu’à nos jours.

 

Plus anciennement, le fossé communal bordé de haies qui entourait le village, entre autres pour se protéger de toutes sortes d’intrus, était alimenté en partie par la Bruche puis par le Bras d’Altorf. Jusqu’en 1937, avec la mise en service du réseau d’assainissement, le « Speckgraben » permettait ainsi de collecter les eaux de pluies pour les mener vers les prairies du lieu-dit « Nachtweid ». Les rondins en bois (« Specke ou Spicke ») installés pour permettre de traverser le ruisseau sont à l’origine de sa dénomination.

 

La « guerre » des meuniers

 

Des meuniers étaient installés sur le Bras d’Altorf. Au 18ème siècle, les conflits se multiplièrent entre meuniers et parfois aussi avec les paysans du secteur. Chacun soupçonnant l’autre et cherchant à éviter les conséquences des basses eaux, tous les moyens étaient bons pour capter l’eau à son profit : dérivations, barrages illicites, interventions sur les niveaux d’eau…

 

En 1777, réitérée en 1784, les usagers et les communes concernées dont Entzheim ont formulé une requête auprès de l’Intendant de La Galaizière « considérant que la distribution de l’eau ne se faisait pas proportionnellement aux besoins des usines et des arrosements de prairies ». Bien qu’une ordonnance ait donné gain de cause aux plaignants, les dissensions continuèrent !

 

 

 

Le Canal de la Bruche et la visite de Louis XIV

 

Le « canal » est également un ancien bras de la Bruche qui l’alimente en aval de Molsheim. Il coule jusqu’à Strasbourg en parallèle avec cette dernière rivière qui n’est pas navigable.

 

D’une longueur de 20 km, il a été construit en 2 ans sur ordre de Louis XIV par l’ingénieur Tarade sous la direction de Vauban après l’annexion de Strasbourg en 1681.Il a permis d’y acheminer les matériaux nécessaires - dont les pierres en grès des Vosges de la carrière de Soultz-les-Bains - pour la construction de la citadelle qui devait défendre la nouvelle frontière du royaume sur le Rhin.

 

Des milliers de soldats et de paysans ont été réquisitionnés dans les villages environnants pour creuser le lit du canal et installer les 11 systèmes d’écluse nécessaires. Le canal a également permis la création de dérivations pour alimenter des moulins et irriguer certaines terres.

 

Il a été utilisé jusqu’en 1939 pour le transport du vin, du bois, des pierres et aussi celui des briques et de tuiles provenant des fabriques de Hangenbieten et d’Achenheim.

 

Avec le cortège royal, Louis XIV en personne a emprunté la digue du canal de la Bruche à l’occasion d’une visite d’inspection des fortifications de Strasbourg le 29 juin 1683. A la demande de Louvois, ministre de la guerre du Roi-Soleil, une animation grandiose a lieu sur le canal en voie d’achèvement car il fallait qu’on puisse y voir tous les bateaux disponibles.

 

Sur la digue qui protège contre les risques de crues, l’ancien chemin de halage est devenu un lieu de promenade très prisé avec l’itinéraire cyclable le plus fréquenté du département.

 

Le Galgenplatz

 

Situé dans la forêt existant autrefois près de l’ancienne gare SNCF et de l’endroit où le Bras d’Altorf rejoint la Bruche, les condamnés à mort étaient exécutés au lieu-dit « Galgenplatz » (place du gibet).

 

En 1645, dans une note insérée dans le registre paroissial, le Pasteur Sébastian Schmidt écrivait : « Le 26 décembre, le valet de ferme Martin Metz a poignardé André Fritsch avec un couteau à pain. Le coupable a été aussitôt emprisonné et condamné à mort par l’épée le 4 janvier. Il fut studieusement préparé par le bourreau à sa mort prochaine jusqu’au 6 courant où il fut exécuté à Entzheim mais avec une telle impatience qu’il renversa par deux fois le billot, jeta la coiffe avant que sans négligence la tête lui fut tranchée ».

 

La dernière pendaison a eu lieu au 18ème siècle. Il s’agissait d’un criminel de passage qui s’était réfugié dans une colonge où il a commis un larcin. Il essaya de prendre la fuite mais fut repris à la sortie du village.

 


Une faune et une flore particulières

 

Dans son ensemble, la vallée de la Bruche constitue un milieu naturel remarquable : rives et rieds (prairies humides) résultant de la remontée de la nappe phréatique à la surface et dans lesquels l’eau est à l’origine d’une flore (saules renversés, roselières…) et d’une faune adaptées (bécassines, martins pêcheurs, canards, bergeronnettes des ruisseaux, couleuvre à collier…).

 

Les zones humides près des cours d’eau accueillent des espèces protégées au niveau national comme deux espèces de papillons : l’Azuré des paluds et l’Azuré de la  

Sanguisorbe. Sur une grande partie de la Bruche toute proche, on trouve également un oiseau très particulier : le cingle plongeur. Appelé aussi « merle d’eau », il vit à proximité de certaines rivières.

 

 

 

Formé de milieux liés à la Bruche et à ses affluents, le patrimoine naturel de cette zone mérite d’être préservé. Une étude du Comité de bassin Bruche-Mossig avait permis de contribuer à la restauration écologique du Bras d’Altorf. De son côté, la Commune a mis en œuvre un plan de reboisement en 2019.

 

 

 

Pierre Friedrichs - Conseiller Municipal

 


 

Parmi les ouvrages consultés : Histoire d’Entzheim de Willy Guggenbuhl 1937 – La Vie en Alsace n° 9 de Septembre 1937 – Un canal et des hommes de Jean-François Rhoden.

Diaporama